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Cuisine et terroir,

Nature

Ecomusée du cidre de Bretteville-du-Grand-Caux : Vincent Godefroy, un guide chaleureux et pédagogique

Voilà bien longtemps que je voulais visiter l’écomusée du cidre : parce que Patrice fait notre cidre familial au Clos Delamare, parce que j’étais curieuse de rencontrer un professionnel et comparer avec notre propre pratique, parce que j’aime les bulles normandes… je me suis décidée ce week-end et suis allée rencontrer Vincent Godefroy à Bretteville-du-Grand-Caux.


Un homme généreux

Je suis arrivée samedi à 16 h 30 et j’étais la seule visiteuse. Qu’à cela ne tienne : Vincent Godefroy m’a fait le cadeau d’une visite pour moi toute seule et n’a pas compté son temps ! Il a pris le temps des explications et des réponses à toutes mes questions avec gentillesse et professionnalisme. Ils sont peu nombreux, les guides qui vont accepter d’animer une visite pour une seule personne !
Non seulement Vincent Godefroy est un homme généreux de son temps et de son savoir, mais, dans son activité de producteur, il se met aussi au service de la nature et ne cherche pas le profit à tout prix : malgré un moindre rendement, il a choisi de ne pas faire subir de traitements chimiques à ses pommiers basse-tige. Et le soin qu’il apporte à l’entretien et la préservation de son clos-masure s’inscrit dans une démarche soucieuse de l’environnement : comme il le dit lui-même, son clos-masure est une « oasis de biodiversité » dans le désert. En effet, les oiseaux et les insectes trouvent refuge dans cet espace préservé alors que tout autour, la surface consacrée aux prés s’est amoindrie au profit des champs, peu propices à la diversité biologique à cause notamment des nombreux pesticides. Vincent Godefroy, lui, accueille un apiculteur sur ses terres, afin que les abeilles facilitent la pollinisation, protège les chouettes qui permettent de lutter contre les rongeurs…


On ne plante pas pour sa pomme !

La générosité de cidriculteur est aussi l’attention qu’il porte au paysage et au patrimoine architectural de sa terre : « On ne raisonne pas à l'échelle d'une vie, dit-il. On plante pour ses enfants, ses petits-enfants ou ceux des autres… On ne plante pas pour soi. » J’ajouterais (si j’ose dire) : on ne plante pas pour… sa pomme ! Mais pour les générations futures, le paysage… que ce soit des pommiers ou des arbres pour régénérer les talus. Voilà un discours qui nous plaît, à la Clozette, car nous nous inscrivons pleinement dans ce discours : nous avons reçu la responsabilité d’une propriété en partage, avec ses terres ; à nous de la rendre préservée et embellie (si on peut) !


Un discours instructif émaillé d’informations pittoresques


Mais si ma visite m’a tant plu, c’est aussi que j’ai découvert une foule de choses sur la fabrication du cidre artisanal et professionnel : j’ai pu ainsi comparer ce que fait Patrice (avec son pressoir ancien et son broyeur) avec le travail maintenant mécanisé de Vincent Godefroy. J’ai particulièrement été saisie par le lochage des pommes grâce à un câble fixé au tracteur et le pressoir moderne (qui fonctionne grâce à une chambre à air !).


Payer en liquide

Et j’ai appris plein de détails sur l’histoire du cidre : ainsi, saviez-vous qu’au temps de l’arrière-grand-père de Vincent Godefroy, le cidre servait à payer en partie les ouvriers agricoles, qui pouvaient boire jusqu’à 10 litres par jour ? Voilà ce qui s’appelle « payer en liquide » au sens propre, si je ne m’abuse. Maintenant, en France, on en consomme environ 2 litres par personne et par an : au Clos Delamare, c’est inconcevable. Comment peut-on en consommer si peu ? Il faut dire qu’en Normandie, on en consomme… 35 fois plus selon Vincent Godefroy !


Une AOC contre les Allemands

Et, savez-vous pourquoi les AOC pour le calvados datent de 1942 seulement et ne concernent pas notre pays de Caux ? Eh bien, Vincent Godefroy m’a expliqué qu’à cette époque, les Allemands réquisitionnaient tous les alcools dans le but de fabriquer des explosifs. Seuls étaient épargnés les produits qui bénéficiaient d’une AOC. Alors les producteurs de calvados se sont mobilisés, particulièrement ceux du pays d’Auge, puis ceux du pays de Bray, du Perche, etc. Ceux du pays de Caux étaient moins nombreux, moins organisés peut-être… C’est ainsi que notre calvados reste une eau-de-vie… mais il est aussi bon que les autres, foi de cauchoise !


Un cidre… aussi bon que celui de Patrice !

La visite était donc bien intéressante et s’est terminée par une dégustation de la production de mon guide : mes goûts se portent volontiers vers le cidre brut et c’est sans surprise que je l’ai préféré à ses cousins doux et demi-sec. La surprise, c’est que j’ai… apprécié le produit de Vincent Godefroy !
En effet, la plupart du temps, quand on me fait goûter un cidre, je suis déçue, ne trouvant bon que celui de mon époux (sans aucune partialité d’ailleurs, le cidre de Patrice est pour moi le meilleur qui soit au monde) …


Moralité

Un guide généreux + une visite intéressante + un bon cidre = un excellent après-midi que je vous invite à passer à l’écomusée de Bretteville-du-Grand-Caux !





Visites tous les jours à 14 h 30 et 16 h 30 en juillet-août – tous les jours à 14 h 30 sauf le mercredi au printemps et à l’automne - sur rendez-vous pendant l’hiver.