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Cuisine et terroir

Le bonheur des premiers douillons

Pour les premiers douillons, il faut que le vent d’octobre sévisse et que s’installe la grisaille. Les poiriers de coq alors s’ébrouent sous les rafales, les premières poires flanchent et lâchent. Quel bonheur alors d’enfiler ses sabots pour les recueillir dans l’herbe mouillée !


Les recueillir, les laver, les sécher au torchon : plaisir de caresser leur rondeur ferme - même dure, plaisir de les aligner sur la table, comme de petits soldats verts piquetés de minuscules points jaunes.


Et l’on enrôle la farine, le beurre, le sucre et les œufs. D’aucuns prétendent que l’on emmaillote la poire dans une pâte feuilletée… sacrilège ! Le douillon, celui de la ferme, est enveloppé d’une pâte-maison, loin des fades rouleaux de supermarché et loin du flamboyant feuilletage des boulangers. Ce maillot de pâte, je le préfère un peu sablé : un tantinet de sucre, un petit œuf et un peu d’eau, un bon beurre et la farine.


La grosse boule de pâte est prête. Les poires de coq sont alignées. On allume le four : tout doucement, il ronronnera pendant deux heures et demie pour que la poire si dure dans l’arbre révèle enfin sa tendreté ; pour que la pâte se gorge de jus doux et sucré ; pour que, enfin, le nez frissonne sous le parfum moelleux du fruit en cuisson – Octobre nous offre tant de félicités nasales avec les pommes et les poires !


Les douillons sont enfin cuits. Ils s’attiédissent lentement sous notre œil concupiscent mais il faut encore patienter, puis les détacher, délicatement, un par un – le suc a collé et caramélisé. Se lécher les doigts est le première récompense.


Puis, quand la petite pyramide de douillons tout dorés pavoise la table, ne pas résister ! Détruire le bel équilibre, se saisir d’une boule tiède et la croquer à belles dents : un peu de jus s’épanche sur le menton, la chair rosée du fruit se révèle enfin.


Le premier douillon de la saison est incomparable.


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Le vrai douillon se fait avec des poires (d’ailleurs, pour les pommes, il existe un autre mot : le bourdelot) et des poires de coq : c’est une variété de poiriers qu’on plantait près du fumier pour qu’il ne déssèche pas. Les coqs et poules se régalaient des fruits tombés, d’où le nom de poires de coq.

Je n’ai jamais vu ces poires ailleurs que dans le pays de Caux. Immangeables toutes crues, elles sont délicieuses en douillons, cuites dans le cidre, en compote… Ces poires ne se conversent pas et il faut vite les transformer et les manger. Venez donc au Clos Delamare en octobre pour goûter mes douillons ou une autre petite recette…